...au soir.

...au soir.

18h30.

Le dernier client est parti, son petit chien trottinant sur ses talons. Je n’ai pas vu la journée passer. J’ai glissé mes doigts dans moult pelages différents, de la texture rêche et drue du griffon korthals au coton soyeux du chinchilla. De la plume, du poil, de l’humain, tout ça dans le tintinnabullement de la sonnette d’entrée et du téléphone. Tout ce que j’aime. C’est le son de mon cabinet.

A l’heure qu’il est, Elodie ferme les volets et la porte d’entrée. Elle a enclenché le répondeur. Je retourne en salle de chirurgie, où m’attend une patiente plus âgée. C’est une chienne de chasse, une urgence qu’on a intercalée entre deux rendez-vous cet après-midi. Pas bien depuis quelques jours.

« Comment elle boit ? » j’avais demandé.
- Comme un trou ! avait répondu le monsieur.
- Et les chaleurs ?
- Oh, il y a deux mois, quelque chose comme ça »


Je crois qu’on savait déjà, quand il a pris rendez-vous au téléphone, qu’il faudrait opérer sa chienne en urgence. Il avait fallu un coup d’échographie pour confirmer le diagnostic, expliquer les tenants et les aboutissants au monsieur, et prévoir l’opération. Comme il n’y avait vraiment, mais alors vraiment plus de place demain matin, j’avais calé ça ce soir.

Elodie est partie. Elle a croisé mon mari, qui passait déposer le bébé, avant de repartir ; il était pris pour la soirée. Je mets l’enfant au sein avant de lancer l’anesthésie de la chienne, croisant les doigts pour qu’elle s’endorme.
Ma perle d’assistante m’a tout préparé : les instruments, les fils de suture, les compresses, la lame. La cage d’hospitalisation est prête, grande ouverte avec un gros plaid moelleux qui attend à l’intérieur.
L’enfant s’est endormie dans son landau.

A moi de jouer.

21h00.

Je termine d’opérer la chienne. Il fait nuit et le téléphone ne sonne plus depuis longtemps. Mes gants font un claquement feutré lorsque je les retire. C’est toujours étrange de voir le cabinet dans sa version nocturne, si calme et silencieuse. 
Je range un peu le matériel, j’installe la chienne dans sa grande cage, elle est encore intubée mais ne tardera pas à revenir de ce côté-ci du monde.

Tout à l’heure, en plongeant les mains dans le ventre de ma patiente pour retirer son utérus tout infecté, avec mon bébé endormi dans son cosy dans la pièce d’à-côté, j’ai songé que ma vie avait pris un tournant que je ne lui avais pas imaginé. Ça m’a fait sourire.
Surtout, notre enfant, qui dort rarement plus de deux heures d’affilée la nuit ne s’est, par je ne sais quel miracle, pas réveillée en cours de chir. J’ai dû prier assez fort.

Bon, tout s’est bien passé. J’expire un bon coup.

La chienne se réveille.

Le bébé se réveille. 

Je crois que je n’ai même plus faim.

Sur la route du retour, une pensée me frappe soudain : 
« Zut, j’ai oublié d’appeler Mme Bichu ! »

...A demain, cher cabinet.

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