Naissance d'une vocation (partie 2)

Naissance d'une vocation (partie 2)

J’ai 18 ans, et mon premier appartement. J’ai quitté mes parents pour rentrer en prépa. Le concours se prépare en deux ans ; le programme est dense, difficile, et, je le sais, les places sont chères. Et si je ne l’avais pas ?

C’est une ère sans wifi, sans Facebook, sans textos illimités dont je vous parle…

La prépa m’engloutit. Je disparais de mes propres écrans radar pour devenir une machine à apprendre. Mon cerveau se transforme en une bibliothèque à centaines de tiroirs. J’ose le dire : je ne vis que pour ce concours, j’ai mis de côté tout le reste.

A mes enfants plus tard j’aimerais dire : ne vous mettez pas tant de pression sur les épaules.

Et puis voilà. A force de travail et d’un peu de chance, je l’ai obtenu, mon précieux sésame pour l’Ecole Vétérinaire. Le jour de la parution des résultats, il m’a semblé que je respirais pour la première fois depuis deux ans.

J’ai choisi Toulouse, pour changer d’air.

J’ai 20 ans. Je vis dans la ville rose. J’étudie. Avec une centaine d’autres de ma promo, nous enchaînons les matières comme les briques de la construction d’un nouveau savoir : anatomie, physiologie, biochimie cellulaire, races bovines, ovines, canines, aviculture, antibiotiques, comportement, nutrition des carnivores…

Et puis la médecine, évidemment.

Dans l’humidité froide de novembre, nous disséquons de grands cadavres dans un local ouvert à tous vents. Nous apprenons à palper une vache, un cheval, un chien, un cochon d’inde... Nous côtoyons le vivant comme le mort, tout cela fait…partie du métier, n’est-ce pas.

Nous visitons élevages laitiers, porcins, avicoles, abattoirs. Nous nous frottons en stage aux toutes premières aspérités de terrain.

En 3ème année, j’achète mon premier stéthoscope. Avec cet objet, je me sens déjà un peu docteur…et pourtant le chemin est encore long. Je ne sais pas que ce sera le même qui écoutera le coeur de vos chiens et chats lorsqu’un jour, j’aurai mon propre cabinet.

Eh oui…j’ausculte vos animaux avec mon tout premier stéthoscope d’étudiante. C’est un objet de qualité, que j’aime, et dont je prends grand soin.

Ce sont cinq ans passés dans l’Ecole. Nous façonnons notre toucher, notre écoute, notre mémoire, notre « sens clinique ». Nos envies, aussi. Chacun, on le sent déjà, va exercer de la façon qui lui ressemble, pourtant pourvu du même bagage. Notre âme de praticien prend en épaisseur, bien avant les premiers remplas.

Les examens s’égrainent au fil des mois, comme un chapelet depuis longtemps connu. Parce que ça fait vingt ans qu’on y est, dans ce système scolaire.

Et puis un jour il faut passer sa thèse.

J’ai 25 ans, je suis dans un amphithéâtre et je parle, devant un jury. Derrière, dans le public : mes parents, qui m’ont toujours soutenue, de la famille, des amis, et aussi, celui qui dans cinq ans deviendra mon mari.

J’ai fini de parler.

C’est un moment fort pour moi, quand le jury me serre la main. J’ai répondu à leurs questions, j’ai bien travaillé, j’ai eu une mention, j’ai tout validé, ça y est. Mon passage à l’Ecole se clôture. A cet instant, cela me fait bizarre de l’écrire, mais d’émotion, je pleure. A l’intérieur de moi, une petite fille sur son vélo, avec son lapin dans un panier, est là, et elle sourit.

J’ai mon doctorat.

Je suis…vétérinaire.

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